Paroisse

Historique de la Paroisse Saint-Vincent-de-Paul à Laval

L’histoire de la paroisse Saint-Vincent-de-Paul est étroitement liée au développement de l’Ile Jésus.

Il semble que la pointe est de l’Ile, située à la jonction des deux affluents de la rivière Outaouais que constituent les rivières des Prairies et des Mille-Iles, à proximité du fleuve Saint-Laurent, ait été, même avant l’arrivée des Français, un lieu de rencontre important pour les indigènes. On rapporte, en effet, que ces derniers s’y arrêtaient, lorsqu’ils empruntaient ces cours d’eau pour accéder à leurs territoires de chasse, situés plus à l’ouest ou plus au nord.

On sait que Samuel de Champlain, premier gouverneur de la Nouvelle-France, y débarqua au cours d’une reconnaissance qu’il fit dans la région, en route vers Hochelaga. L’Ile fut éventuellement désignée sous le nom de Montmagny, patronyme du second gouverneur de la Colonie qui, lui aussi, y fit escale. Le 15 janvier 1636, la Compagnie des Cent-Associés, instituée par le Roi de France pour assurer le peuplement et de développement de ses possession en Amérique du Nord, cédait à l’Ile aux Père Jésuites, qui n’en prirent possession que le 6 août 1638, lui conservant le nom d’Ile Jésus, qui apparaît dans l’acte de cession officiel.

En septembre de la même année le gouverneur, monsieur de Montmagny, et le Père Le Jeune, supérieur des Jésuites, descendirent à l’Ile et y campèrent une nuit. Le lendemain, d’après la relation du voyage, le Père Le Jeune y célébra la première messe dite dans l’Ile Jésus. Il semble cependant que les Jésuites n’eurent guère le temps de s’occuper de leur nouvelle seigneurie qui fut délaissée, à toutes fins pratiques, jusqu’en 1672, alors qu’elle passa aux mains d’un second propriétaire, monsieur Berthelot. Or, ce dernier n’était pas heureux du territoire qu’on lui avait attribué. Il fit donc des démarches auprès des autorités compétentes et obtint, en échange de l’Ile d’Orléans, propriété de Monseigneur de Laval, évêque de Québec, qui devint ainsi, en 1675, le troisième seigneur de l’Ile Jésus. Cinq ans plus tard Monseigneur transporta ses droits au Séminaire de Québec, qui devint le quatrième et dernier seigneur de l’Ile. Le Séminaire assuma alors les responsabilités, administratives et autres, dévolues au seigneurs sous le régime français et qui furent prises en charge par les municipalités vers 1845.

Le recensement de 1681 précise que l’établissement qui se trouve à la pointe est de l’Ile Jésus comprend quatre familles : celles d’Olivier Charbonneau, Guillaume Labelle, Michel Buisson et Léonard Éthier, qui comptent en tout, vingt-quatre personnes, serviteurs inclus. En 1698 la population de la Pointe a atteint deux cents âmes, rattachées à la paroisse de Repentigny. En 1702 les colons de la Pointe construisent une première chapelle, dédiée à l’Enfant-Jésus, que dessert l’abbé Pierre Voland de Saint-Claude. En 1706 on décide la construction d’une église, la première de l’Ile Jésus, qui sera placée sous le patronage de Saint-François-de-Sales et dont le curé sera monsieur l’abbé Jean-François de Buisson de Saint-Côme.

Trente-quatre ans plus tard l’intendant Hocquart ordonnait la construction d’une église à Sainte-Rose. De son côté, par un mandement en date du 5 février 1743, Monseigneur de Pontbriand, dernier évêque de Québec sous le régime Français, procédait au démembrement de Saint-François-de-Sales et à la création d’une nouvelle entité paroissiale sous le vocable de Saint-Vincent-de-Paul. Monseigneur décrivait comme suit l’emplacement de la future église :  » Nous voulons que ce soit à peu près vers le ruisseau, à environ une lieue de chez le capitaine Dazé « .

Il s’agit, comme on le sait, du ruisseau de la Pinière, qui coule toujours sur les terrains du pénitencier et se jette dans la rivière des Prairies, à l’intersection du boulevard Lévesque et de la Montée Masson, au nord-est de l’emplacement qu’occupait le manoir de Sabrevois de Bleury, rasé à la suite d’un incendie, il y a une vingtaine d’années. Le ruisseau doit son nom au coteau sur lequel se trouve l’église actuelle, que recouvrait alors une imposante  » pinière  » ou forêt de pins. D’aucuns y vont encore barboter, herboriser ou taquiner le gougeon, à l’occasion.

En 1744 monsieur l’abbé Olivier Semelle, premier curé, fit mettre en chantier son église paroissiale, qui servit au culte pendant une centaine d’années. Ce lieu de prière était situé au pied du coteau de la Pinière, sur l’emplacement de l’actuelle Maison de la Providence. Les murs étaient de pierre des champs et le reste de la charpente en bois, comme le voulaient les techniques architecturales de l’époque. Au moment de la démolition tous les matériaux récupérables furent utilisés dans la construction du nouveau temple, dont l’érection fut décidée en 1853, grâce à l’initiative de monsieur Norbert Lavallée, onzième curé de la paroisse. Les travaux, commencés en 1854-1855, ne furent complètement achevés qu’en 1875.

Les murs des longs pans et de l’abside sont en pierre des champs, tandis que la façade est en pierre de taille, provenant sans doute des carrières qui se trouvaient alors à proximité. Flanqué de ses deux imposantes tours, que surmontent fièrement les flèches élancées des ses clochers. L’édifice accuse un équilibre remarquable et s’affirme avec beaucoup d’élégance. L’intérieur, de style roman de la renaissance, retient principalement l’attention par la justesse de ses proportions, l’harmonie des agencements architecturaux et la qualité des éléments qui agrémentent l’ensemble. La décoration originelle, qui conjuguait avec un goût sûr le pur blanc des murs, des colonnes et de la voûte, avec l’or des pièces ornementales, finies à la feuille, conférait au temple une beauté parfaitement adaptée à sa fonction et à son style architectural. Certains travaux de réfection et de réaménagement, effectués sans discernement depuis un quart de siècle, ont malheureusement altéré le style du bâtiment, qui n’en demeure pas moins un monument religieux de belle allure et un endroit de culte qui favorise le recueillement.

Durant les deux siècles qui suivirent l’établissement des premiers colons à la pointe, puis dans la partie est de l’Ile Jésus, l’apport social de l’Église fut considérable. Les curés assurèrent, avec un dévouement exemplaire, une présence d’une valeur inestimable, tout d’abord comme pasteurs puis comme confidents et amis des âmes confiées à leur charge. Hommes de Dieu, soucieux avant tout d’annoncer la bonne nouvelle et d’épauler la foi de leurs paroissiens, ils furent appelés à travailler constamment et en étroite collaboration avec le pouvoir civil. Ils durent presque toujours s’occuper, en plus de leurs fonctions sacerdotales, de la vie temporelle de leurs ouailles et de la mise en place d’oeuvres sociales capables de répondre le mieux possible aux besoins de la communauté.

Les lacunes du système seigneurial, les difficultés sans nombre qui marquèrent la fin de la domination française et l’instauration du régime anglais, les obligèrent à assumer en maints domaines un rôle de suppléance dont ils surent s’acquitter avec un zèle et une persévérance admirables. Les curés de Saint-Vincent-de-Paul contribuèrent activement au développement et à l’organisation sociale de la paroisse.

Certains de nos pasteurs furent des hommes remarquables, tant par leur caractère et leur personnalité, que par la qualité de leur ministère sacerdotal. Ils s’avérèrent indispensables comme hommes d’église, aussi bien qu’au niveau de l’organisation communautaire. D’autant plus qu’après la cession et jusqu’à la constitution de 1791,  » les anciens sujets du Roi de France gardaient leurs distances envers les nouveaux maîtres du pays et que, lorsqu’ils avaient des décisions importantes à prendre, ils s’en référaient naturellement aux conseils et aux décisions du curé. À Saint-Vincent-de-Paul, comme ailleurs dans les campagnes, les paroissiens  » vivaient comme frères d’une même famille, dont le curé était le père « .

C’est ainsi que monsieur Ambroise Renoyer, qui fut curé pendant quarante-trois ans, de 1747 à 1790, semble avoir été un homme d’une rare énergie et le chef incontestable de son troupeau. Acadien, né à Louisbourg en 1720 et ordonné prêtre à Québec en 1745, il ne s’en laissait pas imposer par les autorités anglaises, avec lesquelles il eût maille à partir. Ses difficultés avec les officiers du gouvernement font l’objet d’une correspondance entre le Gouverneur et Monseigneur Briand, évêque de Québec. Monsieur le curé refusait tout bonnement de tenir les registres en partie double, pour le bénéfice de l’administration civile. Décédé en 1790, à l’âge de soixante-dix ans, ses restes furent éventuellement inhumés dans la crypte de l’église paroissiale actuelle, où il repose dans l’espérance de la résurrection.

Monsieur Norbert Lavallée, curé de 1853 à 1881 fut, lui aussi, un prêtre d’un extraordinaire dynamisme et d’une clairvoyance peu commune. D’une générosité proverbiale, il était la providence des pauvres et des malheureux. S’il ne fut pas l’administrateur dont certains eussent rêvé, puisqu’on dit qu’il ne parvint pas à liquider toutes les dettes de la paroisse, il dota néanmoins celle-ci d’une magnifique église. Il favorisa, en outre, par tous les moyens à sa disposition, l’établissement du Collège Laval et du Couvent de la Providence, dont la première supérieure, Mère Caron, était la soeur de monsieur Charles-François Caron, qui occupa la cure de Saint-Vincent de Paul de 1835 à 1839.

Né à Saint-François-du-Lac en 1820, monsieur Lavallée fut ordonné prêtre à Montréal en 1847. D’abord vicaire à Chambly puis à l’Ile Bizard, il devint curé de Saint-Vincent-de-Paul à l’âge de trente-trois ans. C’était un homme bâti en athlète et de taille imposante. Portant fièrement la tête il n’avait cependant rien de guindé ni d’austère. Sachant garder ses distances il pouvait néanmoins se faire simple et accueillant pour tous. Fin causeur et merveilleux orateur par surcroît il parvenait, grâce à son savoir et à sa vaste culture, à communiquer facilement avec les gens. Tous ceux qui l’ont connu le vénéraient et, dans la paroisse, on parlait encore de lui comme d’un être extraordinaire, cinquante ans après sa mort. À son décès il fut inhumé dans la crypte de l’église, pour la construction de laquelle il avait déployé tant de dévouement et de persévérance.

Chez nous, comme partout ailleurs, l’Église a toujours considéré l’instruction et la formation des jeunes comme un devoir primordial. Or, c’est là un domaine qui fut particulièrement négligé, surtout dans les campagnes, entre 1770 et 1850, soit qu’on nous refusât des écoles ou que celles qu’on nous offrait étaient inacceptables parce que conçues ou perçues comme des instruments d’assimilation. Les résidants de l’Ile Jésus nés entre 1800 et 1820 ne savaient, pour la plupart, ni lire ni écrire, précisément à cause du manque d’institutions d’enseignement. Ce n’est qu’en 1846 que nous fûmes vraiment dotés d’une loi de l’enseignement primaire applicable, et que des disposition purent alors être prises localement, pour assurer un minimum, d’instruction à la population. Entre temps, grâce à la générosité des curés et de certains notables instruits, des classes furent organisées. Cependant ces initiatives, malheureusement peu nombreuses, ne connurent que de très modestes résultats.

Sculpteur sur bois, né à Saint-Vincent-de-Paul en 1749, et décédé en 1823, Louis Quévillon avait établi une maîtrise d’art qui fonctionna de 1800 à 1823. Cet atelier-école occupait un emplacement situé en bordure de la rivière des Prairies, un peu à l’est de la première église paroissiale. On y enseignait notamment la lecture, l’écriture et le dessin. Quévillon et ses élèves ou associés (Saint James, Baron, Rollin et Pépin) déployèrent une grande activité et acquirent une solide réputation à travers tout le pays.

Le notaire Constantin, qui rédigeait les actes de Quévillon et, après lui, le notaire Germain, de même que le curé Caron et ses soeurs Angèle et Émilie, firent de l’enseignement. Mais tout cela était mené avec des moyens de fortune et ne fonctionnait que difficilement. En fait, ce ne fut qu’après l’arrivée des religieuses du Sacré-Coeur, en 1846, et l’établissement du Collège Laval, en 1858, que les jeunes de la paroisse purent bénéficier d’un système organisé d’enseignement primaire.

En 1845, le curé Romuald Mercier, qui présida aux destinés de la paroisse de 1839 à 1847, invita les Dames du Sacré-Coeur, communauté de religieuses enseignantes venues de France et possédant une maison à Saint-Jacques-de-l’Achigan, à s’établir chez nous. Au nom de la fabrique, il offrit aux religieuses de mettre à leur disposition une bonne maison de pierre, située dans le village, ainsi que la terre attenante, à la condition expresse qu’elles s’engagent à dispenser l’enseignement aux petites filles pauvres de la paroisse. Les soeurs acceptèrent et installèrent, à l’endroit précité, une filiale de leur maison de Saint-Jacques. Elles nous quittaient cependant, en 1858, pour aller s’établir au Sault-au-Récollet où elles dirigent toujours, boulevard Gouin est, en face de l’église Sainte-Madeleine-Sophie, une maison d’enseignement réputée.

Les soeurs de la Providence, de Mère Gamelin, prirent alors la relève, sous la direction de Mère Caron, soeur du curé François-Charles Caron, titulaire de la cure de 1835 à 1839. Jusqu’au 23 décembre 1861 elles occupèrent la résidence des premières religieuses, dont le gouvernement se porta acquéreur pour y établir une école de réforme. En 1870, à la suite d’un incendie, cette dernière déménagea à Montréal et devint le Mont-Saint-Antoine, que dirigèrent par la suite les Frères de la Charité.

Les religieuses durent donc se déplacer. Elles s’installèrent dans l’ancien presbytère, au sud du boulevard Lévesque actuel, et dans d’autres locaux de fortune, avant de mettre en chantier un nouveau couvent, sur l’emplacement de l’ancienne église paroissiale. Cet immeuble a subi, au cours des années, de nombreux agrandissements. Pendant plus d’un siècle il a servi simultanément d’école et d’orphelinat pour garçons et filles, ainsi que de maison de retraite pour personnes âgées (aujourd’hui le Centre d’Accueil Fernand Larocque).

Le premier collège construit dans la paroisse fut érigé sur un terrain gracieusement offert par le notaire Césaire Germain premier maire de Saint-Vincent-de-Paul. Il fut béni le 7 mai 1859 par Monseigneur Ignace Bourget, évêque de Montréal, qui lui donna le nom de Laval, en l’honneur du premier évêque de la Nouvelle-France. L’enseignement y fut assuré tour à tour par des prêtres séculiers, des instituteurs laïques et les Clercs de Saint-Viateur. En 1888, les Frères Maristes des Écoles prirent la direction de la maison où ils continuent d’oeuvrer. L’institution, reconnue comme collège privé, aux termes des lois de l’éducation du Québec, jouit d’une réputation d’excellence, au pays comme à l’étranger.

Aux quatre familles dont fait mention le recensement de 1681 vinrent se joindre, annuellement, de nouveaux arrivants, à tel point qu’en 1739, soit cinquante-huit ans plus tard et quatre ans avant la fondation de la paroisse Saint-Vincent-de-Paul, la population de Saint-François-de-Sales, donc de l’Ile Jésus, s’établissait à 752 personnes, réparties entre 120 familles. La liste des ménages renferme des noms encore bien connus chez nous : les Allaire, Archambault, Auclair, Bastien, Bélanger, Bisson, Charbonneau, Chartrand, Dazé, Desautels, Gauthier, Germain, Gravel, Hotte, Joubert, Labelle, Lacombe, Lamarche, Papineau, Paquette, Paré, Pépin, Quévillon, Sicotte, Sigouin et Valiquette.

Le 20 janvier 1873 un événement se produisit, qui allait marquer profondément la destinée de la paroisse : l’arrivée, depuis Kingston, de soixante-dix prisonniers qui s’en venaient prendre leurs quartiers dans ce qui deviendrait le plus important centre pénitentiaire du pays. Le gouvernement venait tout juste de faire construire, à un jet de pierre de l’église paroissiale, sur l’emplacement du couvent-école-de-réforme incendié en 1870 et dont les derniers vestiges ont été effacés par le feu, durant l’émeute de 1962, les premiers bâtiments du pénitencier devenu l’Institution Laval.

Dès lors, la population homogène de la paroisse, solidement enracinée dans ses traditions et fièrement campée autour de son clocher, s’engageait dans un irréversible mouvement de transformation. La société bien structurée qu’on avait connue jusque là entreprenait une lente mais profonde mutation. Elle était pourtant un modèle d’équilibre et de stabilité, avec son pasteur omniprésent et seul maître après Dieu de la barque paroissiale; avec ses religieux et ses religieuses entièrement dévoués à leurs tâches éducatives et charitables; avec ses notables de tous ordres et de toutes catégories : professionnels, commerçants et artisans; cultivateurs et maraîchers à l’aise; hommes politiques et politiciens bleus ou rouge; avec ses fonctionnaires et ses journaliers, ses rentiers et ses petites gens aux trente-six métiers. Inconsciemment, tout ce monde habitué à cohabiter en bonne harmonie vivait alors comme  » famille heureuse « , le dernier épisode de sa fantastique histoire.

La présence du pénitencier, perçue longtemps par quelques-uns comme une malédiction mineure, qui suscita même des velléités de changer le nom de la municipalité, ne paraît cependant pas avoir créé de traumatisme irréparable dans la population. L’arrivée constante de nouveaux officiers ou fonctionnaires, commis à la garde des détenus, s’avérait une lente infusion de sang nouveau, que les anciennes familles, avec le temps, finissaient par absorber.

Cet apport de l’extérieur amena sûrement un changement dans les mentalités, mais n’eût certes pas le même impact que l’arrivée massive de citadins qui vinrent s’établir dans nos parages au début de l’explosion urbaine, au lendemain de la seconde grande guerre. Aux alentours de 1950 le lotissement d’un grand nombre de terres pour la construction domiciliaire, transforma complètement notre milieu traditionnel. Nous avons alors assisté à un véritable éclatement de la vieille paroisse, du village puis de la ville qui n’eût qu’une existence éphémère et qui, telle la source de la fable, fut engloutie dans le tourbillon de Ville de Laval, en 1965.

L’établissement du pénitencier n’eût pas pour effet que de modifier le tissu ethnique et faire évoluer les mentalités. Il bouleversa aussi littéralement l’agencement et l’aménagement du territoire. Les nombreux agrandissements des installations pénitentiaires amenèrent successivement l’occupation des terres concédées aux Dame du Sacré-Coeur et celle du domaine de Sabrevois de Bleury. Celle-ci avait été constitué à même les terres de Louis Quévillon et le dernier propriétaire, avant le gouvernement fédéral, en fût monsieur Hector Lussier, seigneur de Varennes et maire de la paroisse de 1897 à 1907.

L’expansion du pénitencier amena également la disparition presque complète de la partie est du village, comprise dans le triangle formé par la montée Saint-François, le ruisseau de la Pinière et le boulevard Lévesque. On peut se demander si le réaménagement de ce secteur après la démolition de plusieurs maisons fort intéressantes par leur architecture et leur histoire, ne fut pas, somme toute, une malencontreuse erreur? Plusieurs, parmi ceux qui s’intéressent à la sauvegarde de notre patrimoine, estiment qu’on a fait là un irréparable gâchis.

L’implantation, chez nous, d’un gigantesque complexe pénitentiaire et l’urbanisation galopante dans la région métropolitaine de Montréal, ne sont cependant pas les seuls facteurs qui ont contribué à transformer radicalement notre paroisse. Le progrès scientifique et la révolution technologique qui nous ont apporté, notamment, le confort et la sécularisation de nos institutions traditionnelles, ont affecté profondément la vie familiale, les relations sociales et le comportement des individus. Le problème de la foi, et le taux de pratique religieuse, qui se situe chez nous entre vingt-cinq et trente pour cent, posent maintenant d’angoissantes questions à tous ceux qui se réclament du titre de chrétien. Si notre paroisse n’est pas devenue un pays de mission, au sens littéral du terme, il ne lui en reste pas moins beaucoup à faire pour reconquérir le terrain perdu. Il semble qu’elle peut, heureusement, compter sur le dévouement et la bonne volonté d’un nombre grandissant de paroissiens.

Si le grain de sénevé jeté en terre a pu devenir un grand arbre et que l’amour est source de vie, il faut espérer de tout coeur, un retour des choses. Il est impossible que les mérites accumulés de tous ceux et celles qui, depuis deux siècles et demi, ont fécondé par leur labeur la terre de Saint-Vincent-de-Paul, ne puissent être maintenant source de grâce et de conversion. Il faut croire ardemment qu’un grand vent de Pentecôte soufflera de nouveau sur notre paroisse.